9 septembre 2021. Une trentaine de chercheurs et de cliniciens chevronnés du monde entier se sont réunis à Crans-Montana (VS) pour ouvrir l’horizon de la recherche sur le cerveau. Les mots interdisciplinarité, interaction et diversité dans les approches ont dominé les conversations. Selon ces acteurs des neurosciences, la culture de la recherche change et le système est prêt pour une vision qui sort des habitudes. Il s’agit d’une excellente occasion que saisissent les scientifiques pour ouvrir leur champ d’intervention pour le traitement des maladies neurologiques et mentales. Chercheurs et cliniciens ont pu s’exprimer et discuter « à nu » grâce à un format de discussion libre appelé à être reconduit chaque année à Crans-Montana.
Imaginez l’histoire d’une personne qui aurait perdu ses clés dans un parking en pleine nuit. « Pourquoi les cherches-tu à cet endroit, sous le réverbère ? » « Eh bien, c’est le seul endroit où je peux voir. » Aujourd’hui, les neurosciences se concentrent pour l’essentiel sur ce qui est visible, ce qui a déjà été étudié.
Les études sur les protéines bêta-amyloïdes en sont un exemple : trois décennies de recherche sur la même hypothèse pour aboutir à un médicament soulageant une infime partie des patients souffrant de la maladie d’Alzheimer, « le système actuel de la recherche et de son financement a bridé les idées qui auraient pu émerger à côté. », selon le Prof. Pierre J. Magistretti, co-président du sommet.
Un système éprouvant
Le système de la recherche académique fonctionne majoritairement grâce à des financements que les chercheurs doivent solliciter régulièrement. Ces démarches sont certes nécessaires, mais elles sont le plus souvent chronophages. Aussi, occupés à la recherche de fonds, les chercheurs ne peuvent que plus difficilement démarrer des projets qui, bien qu’étant audacieux, peuvent aboutir sur des avancées significatives et sur des innovations. En effet, la nécessité de rendre des comptes à courte échéance est en contradiction avec la recherche qui est, elle, une entreprise à long terme.
« Par ailleurs, ce système n’encourage pas la prise de risque et favorise celles dont l’issue est prévisible, ce qui peut limiter la construction des connaissances », explique le Prof. Luigi Pulvirenti, co-président du sommet. C’est le cas aussi de la course aux publications, la reconnaissance des chercheurs se fondant principalement sur le nombre d’articles publiés dans des journaux scientifiques.
Une nouvelle ère de découvertes sur le cerveau
« L’exemple du Pôle de recherche national Synapsy illustre la transposition entre la recherche fondamentale et les développements thérapeutiques. Ce pôle interdisciplinaire a financé la formation de 25 cliniciens-chercheurs, dont 5 occupent désormais des postes de Professeurs aux Universités de Lausanne et de Genève. Les jeunes psychiatres en formation seront exposés aux neurosciences, et les neuroscientifiques seront exposés à la psychiatrie et à la vie en clinique. » explique le Prof. Pierre J. Magistretti, et de continuer « c’est en se confrontant à d’autres approches que l’on trouve de nouvelles idées et cibles thérapeutiques. » Le rôle de ces cliniciens-chercheurs est clé : il s’agit d’aider à mettre en relation la recherche avec des perspectives cliniques concrètes.
Financer des idées pour des « proofs of concept », des preuves de concept, est un autre moyen d’avancer plus vite. « Des systèmes de financement qui permettent une certaine prise de risques doivent exister en plus grand nombre. En Suisse, nous avons la chance de compter sur le Fonds national suisse de la recherche scientifique qui accepte une certaine prise de risque. Ce modèle peut servir d’exemple », se réjouit le Prof. Pierre J. Magistretti. Les scientifiques pensent aussi à l’émergence de centres de recherche interdisciplinaire, à des liens renforcés avec l’industrie ou encore à des collaborations stratégiques où les disciplines se parlent.
Le système actuel de la recherche tend à favoriser l’autoréférentiel, les scientifiques du domaine évaluent leurs pairs avec le risque de s’enfermer dans une bulle monocentrique. « Les chercheurs tendent à répéter et à confirmer les travaux de leurs pairs. Mais pour quel résultat ? Les thérapies des maladies du système nerveux sont restées pour l’essentiel bloquées dans les années 80 », affirme le Prof. Luigi Pulvirenti, neurologue, fondateur et directeur de la Neuroscience School of Advanced Studies. « Les parties prenantes ont soif de nouvelles découvertes et non pas de réaffectation. », conclut le Professeur.
Neurotechnologies : l’exemple du « Pacemaker du cerveau »
Alors qu’il opérait une patiente souffrant d’épilepsie, le Prof. Alim Louis Benabid a découvert, presque par hasard, qu’en stimulant un noyau du thalamus proche du foyer épileptique, le tremblement dû à la maladie de Parkinson dont sa patiente était également atteinte s’est arrêté. Sa polyvalence (en tant que physicien, neurochirurgien et scientifique formé aux neurosciences) lui a permis de mettre au point cette invention magnifique qui a changé le quotidien de plus de 200 000 patients atteints de la maladie de Parkinson, à travers le monde à ce jour.
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