Dimanche 13 février 2022, les Suisse·sse·s devront se présenter aux urnes et faire un choix : il s’agira de voter « OUI » ou « NON » à l’initiative populaire « Oui, à l’interdiction de l’expérimentation animale et humaine ». Pas une mince affaire sans background scientifique, raison pour laquelle les éclairages des spécialistes sont les bienvenus.
Posons le contexte, voulez-vous bien ?
En 2020, la Suisse comptait 556 167 animaux destinés à l’expérimentation animale. Le nombre d’expériences scientifiques réalisées sur les animaux a diminué de 26% par rapport à 2010 et de moitié depuis 1990.[1]
En 1959, le zoologiste Russell et le microbiologiste Burch publiaient un article intitulé « The Principle of Humane Experimental Techniques », énonçant pour la première fois les principes éthiques de base appliqués à l’expérimentation animale. La « règle des 3R » était établie :
- Remplacer (replace) l’animal chaque fois que c’est possible
- Réduire (reduce) le nombre d’animaux au strict minimum pour répondre aux objectifs de l’étude
- Optimiser (refine) les conditions dans lesquelles les animaux sont hébergés, soignés, et utilisés[2]
In silico, In vitro, In vivo : trois méthodes complémentaires
L’expérimentation animale et les méthodes dites alternatives sont désormais complémentaires et étroitement interdépendantes. Leur imbrication est fondamentale à l’acquisition de nouvelles connaissances ainsi qu’au développement de thérapies.
- In silico pour étudier et prédire le comportement d’une partie de l’organisme par modélisation informatique
- In vitro pour étudier une partie de l’organisme, par exemple par le biais d’une culture cellulaire
- In vivo pour étudier un organisme vivant, complet et autonome, dans toute la complexité de son fonctionnement
« Les méthodes alternatives (in silico ou in vitro) sont privilégiées chaque fois que cela est possible, pour des raisons aussi bien éthiques que légales et économiques. Elles ont un grand potentiel, mais l’expérimentation animale (in vivo) reste indispensable lorsque l’organisme doit être considéré dans son ensemble et avec toute sa complexité[3] ». C’est le cas des maladies systémiques tel que le cancer ou les infections.
Un monde sans expérimentation animale, ça donne quoi ?
L’enjeu actuel est limpide : en se passant d’expérimentation animale, on bloque la recherche fondamentale. Celle-là même qui explore les territoires inconnus de la biologie et qui permet à la recherche appliquée d’avancer. Celle-là même, qui en 2020 représentait près des deux tiers d’animaux utilisés pour l’expérimentation animale[4]. Mais sans cette recherche fondamentale c’est toute la médecine humaine et animale qui tire sa révérence. C’est entre autres abandonner les travaux sur le développement des maladies neurodégénératives ou les mécanismes de développement des cellules cancéreuses[5].
La recherche d’alternatives continue
Certes, la combinaison augmentation des fonds et développement des technologies (coûts de formation, d’équipements…) semble nécessaire pour produire l’arrêt net de l’expérimentation animale. Cependant la Suisse, ne peut être taxée de négligence : des contrôles millimétrés par les services vétérinaires et les commissions cantonales sont effectués dans les laboratoires. En outre, citons également la création de fonds supplémentaires pour accélérer le développement des méthodes 3R, avec le Swiss 3R Competence Centre[6] et le nouveau programme national de recherche « PNR 79Advancing 3R – Animals, Research and Society ».
Le changement de paradigme est donc lancé.
[1] https://www.tv-statistik.ch/fr/statistique-simples/#graph1
[2] Hardy Patrick. Optimisation des techniques d’expérimentation animale. In: Bulletin de l’Académie Vétérinaire de France tome 161 n°5, 2008. Séances thématiques : l’expérimentation animale en 2008. pp. 409-416;
doi : 10.4267/2042/48165
[3]https://www.swissuniversities.ch/fileadmin/swissuniversities/Dokumente/Forschung/Tierversuche/fr_Methodes_alternatives.pdf
[4] https://www.tv-statistik.ch/fr/statistique-simples/#graph1
[5]https://www.swissuniversities.ch/fileadmin/swissuniversities/Dokumente/Forschung/Tierversuche/fr_Methodes_alternatives.pdf
[6] https://swiss3rcc.org/fr/les-3r-en-suisse
©️National Cancer Institute