En Suisse, la moitié de la population ne comprend pas des informations de base en santé. Un constat alarmant si l’on considère l’évolution de l’approche des soins, auxquels les patients sont encouragés à participer comme de véritables acteurs et partenaires du personnel soignant. Le niveau de compétences requis pour la compréhension des informations a augmenté parallèlement à un décalage toujours plus important entre langue orale et langue écrite. Dans ce contexte, il est urgent de repenser la communication avec la patientèle.
Telles que définies par l’Office fédéral de la santé publique, les compétences en santé découlent de « la capacité d’accéder à, de comprendre, d’évaluer et d’appliquer des informations sanitaires afin de prendre au quotidien des décisions ayant un effet favorable sur la santé. »[1]
Mandatée par la Confédération, l’étude intitulée Health Literacy Survey Suisse 2019-21 jette une lumière crue sur le fossé qui sépare, bien plus souvent qu’on ne le croit, les patient·e·s des professionnel·e·s de la santé. Ainsi, 49% des répondant·e·s au sondage éprouvent régulièrement des difficultés à interpréter correctement des informations afin d’agir en faveur de leur propre santé ou de celle de leurs proches. Plus inquiétant encore, 72% de ces personnes ne comprennent pas le système de santé et les services disponibles et ne sont pas en mesure de traiter des informations numériques. À l’heure de la complexification du système sanitaire et du passage au tout digital, ces résultats laissent perplexe : le système de santé suisse est-il suffisamment inclusif ? Quels services apporter à celles et ceux qui ne le trouvent pas « lisible » ? Et quel rôle, pour les professionnel·le·s de la santé, dans des démarches éducatives destinées à la patientèle ?
Les enjeux sont aussi cruciaux que bien documentés : depuis bien longtemps, la corrélation entre faible niveau de compréhension des informations, manque d’accès aux soins et état de santé médiocre est avérée. De toute évidence, la participation active des patient·e·s est une condition sine qua non de l’amélioration de leur état de santé. Mais pour participer, encore faut-il comprendre.
Trop de déperdition d’informations
Face à cette situation, le rapport Health Literacy Survey Suisse 2019-21 préconise d’optimiser l’information à la population. À l’oral – lors d’une conversation entre le corps médical et un·e patient·e – ou à l’écrit – présentation de prestations médicales sur un site Internet, explications sur un protocole ou un traitement, brochures de prévention etc. – les occasions de faciliter la compréhension sont nombreuses et la marge de progression grande. En Suisse, une majorité d’informations d’intérêt public sont relayées dans un langage de niveau C1 alors que le degré de compréhension de 80 % de la population se situent aux niveau B1 et B2[2]. Une situation que la vulgarisation et la simplification peuvent infléchir avec, en sus, une autre satisfaction : celle d’optimiser les moyens dévolus à la communication grâce à des textes plus efficaces et de diminuer les surcoûts dus à un système de santé trop peu lisible.
Enfin, s’il est souhaitable que chacun·e améliore ses propres compétences en santé pour assumer la responsabilité de ses choix et comportements, la prise en compte des difficultés d’accès à l’information par les milieux médicaux est tout aussi essentielle. Une conclusion corroborée, à l’échelle internationale, par des constats de l’OMS qui affirme que 50 % des ordonnances ne sont pas prises correctement et que 10 à 25 % des admissions dans les hôpitaux et les maisons de retraite sont dues au non-respect des prescriptions par les patient·e·s. Faute d’avoir compris…
Le langage clair, un réflexe pour la communication en santé
Vulgariser et simplifier sont des passerelles vers le dénommé langage clair. Celui-ci vise plusieurs objectifs : réduire le temps de lecture, faciliter la compréhension et la mémorisation des messages principaux, et, last but not least : poser les jalons d’une relation de confiance durable entre le/la patient·e·et le corps médical. En réalité, la clarté ne tient pas uniquement au langage ; le design des pages, physiques ou virtuelles, la syntaxe des phrases, la structure et la longueur des textes, le choix lexical : autant d’éléments à passer au crible des profils les plus divers, y compris de ceux qui attestent d’un moindre niveau de compréhension.
Parmi les réflexes à adopter : le recours aux mots du quotidien plutôt qu’au jargon, la logique pour mettre en évidence les causes et leurs effets, la chronologie pour décortiquer les étapes d’un traitement. Pour citer Confucius, une image vaut mille mots ; illustrer les propos par des infographies et des dessins peut être avantageux pour autant qu’ils soient clairs. Ou encore : des listes à puces en lieu et place de longues phrases, des paragraphes brefs, exprimant une seule idée, des titres évocateurs et surtout l’essentiel au début.
Parce qu’ils bousculent l’ordre établi, ces principes suscitent parfois de l’opposition. Mais qu’on ne s’y trompe pas : s’exprimer en langage clair, à l’oral comme à l’écrit, implique de simplifier mais pas de niveler par le bas. « Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple » dit l’adage. Peut-être bien parce que la clarté, loin d’être immédiate, souvent se travaille et se gagne. Dans cet effort, garder la variété des publics à l’esprit est un puissant levier d’amélioration de la communication.
[1] https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/strategie-und-politik/nationale-gesundheitspolitik/gesundheitskompetenz.html
[2] Selon le cadre référentiel européen des niveaux de langues, répartis en 6 degrés de progression, de A1 (découverte) à C2 (maîtrise).