Image : ©Heikki Lehväslaiho
Prêt.e pour une immersion dans le cerveau ? Welcome to the CAVE !
Vous souvenez-vous des petits voyageurs d’Il était une fois la vie ?
Enfant, j’ai souvent visionné ces épisodes d’une vingtaine de minutes, fascinée par ces miniatures capables de se balader dans les cellules, la peau, le sang, les os, le squelette… le cerveau !
Lors d’une rencontre avec le Professeur Pierre J. Magistretti au mois d’août 2018, nous avons clos notre discussion par l’évocation de cette mini-série de vulgarisation scientifique. Et pour cause, avec son collaborateur le Dr Corrado Calì, il est à l’origine d’un outil de visualisation 3D du cerveau, une totale immersion à un niveau de résolution unique au monde – une première. De quoi réveiller l’émerveillement de l’enfant que j’étais.
The CAVE est un outil d’analyse ultra-structurelle, au niveau subcellulaire – à l’intérieur même de la cellule. Vous pouvez ainsi observer précisément la cellule et ce qu’elle contient,
commente le Professeur, doyen de la faculté de Biologie et Sciences de l’Environnement à l’Université KAUST et affilié à l’EPFL, Brain Mind Institute, parmi ses multiples casquettes.
Visualisez plutôt :
The Journal of Comparative Neurology: A step inside the brain
Corrado Calì voyage pas à pas à l’intérieur du cerveau (merci à lui pour la vidéo !)
Observer l’intérieur d’une cellule au détail près
Le microscope électronique permet une observation en deux dimensions, la visualisation de chaque cellule en plusieurs coupes. Avec the CAVE, le progrès réside dans une visualisation 3D full immersion system. Grâce à un algorithme mis en place par des computer scientists & graphists, les scientifiques prennent l’information récoltée et l’introduisent dans cet équipement à la pointe de la technologie.
Le microscope électronique photographie les coupes de cerveau et permet de reconstituer en trois dimensions une dizaine de cellules. Quant à The CAVE, c’est une pièce de trois mètres cube dans laquelle ces cellules sont projetées en milliards de pixels.
En entrant dans la pièce avec vos lunettes 3D, vous vous baladez littéralement d’un capillaire sanguin à un astrocyte, dans une synapse, au travers de nuages de glycogène… Il fut impensable d’imaginer les visualiser ainsi au début de ma carrière,
poursuit le neuroscientifique (ou devrais-je dire, astroscientifique? À ce sujet lisez donc L’homme glial).
Le glycogène, c’est une réserve de sucre
Les astrocytes – ces cellules gliales rappelant la forme d’une étoile – contiennent des stocks d’énergie : du glucose (du sucre), sous la forme de – minuscules – granules de glycogène. Dans le cerveau, les stocks de glycogène se trouvent uniquement dans les astrocytes.
Grâce à The CAVE, les scientifiques ont pu visualiser des granules de glycogène en agrégats – en nuages – dans les astrocytes.
Ces groupes sont accumulés autour des synapses – pas au hasard. Les synapses, ce sont les points de contact entre les neurones; elles sont les sites cellulaires de la mémoire et consomment beaucoup d’énergie pour fonctionner correctement,
précise le Professeur.
L’astrocyte nourrit le neurone
Le glycogène se transforme en lactate, la nourriture préférée des neurones. Le lactate a un rôle capital pour l’apprentissage et la mémoire, comme le décrit le papier de Ruchti E, Petit JM, Jourdain P, Grenningloh G, Allaman I, Magistretti PJ ”Lactate promotes plasticity gene expression by potentiating NMDA signaling in neurons [archive]”. Proc. Natl. Acad. Sci. USA;111(33):12228-33.
Si les astrocytes dysfonctionnent, ils deviennent incapables d’assumer leur rôle de protecteurs des neurones, et ceux-ci dysfonctionnent à leur tour.
Les recherches du Professeur Magistretti et de ses équipes se concentrent principalement sur les maladies neurodégénératives.
Nous cherchons à développer des molécules qui agissent sur les aspects énergétiques pour protéger le neurone. The CAVE est un outil de précision unique pour visualiser le fonctionnement du cerveau à un niveau de détail inégalé à ce jour,
conclut-il.
Le prochain pas est d’étudier, d’observer de très près des cerveaux atteints d’Alzheimer – par exemple – à l’aide de cet outil d’immersion. Plein succès à Pierre Magistretti et ses équipes !
Et pour les nostalgiques, plaisez-vous à imaginer – la prochaine étape ? – votre infiltration en miniature dans le cerveau avec l’épisode 9 d’Il était une fois la vie – le cerveau.