Mardi 12 mars 2024, trois chercheuses ont présenté à la population leurs recherches et connaissances sur le stress. Certaines et certains d’entre vous connaissent mon intérêt particulier pour les neurosciences. Chez RADAR, nous agissons en outre toutes et tous avec ferveur pour porter les voix de la santé mentale. C’est donc avec grand plaisir que je vous remets ci-après mon compte-rendu de cette soirée. Un grand merci à Ulrike Toepel pour l’organisation de la Semaine du Cerveau et à Aurélie Lattion, coordinatrice de stressnetwork.ch | Coordinatrice du Global Stress & Resilience Network (GSRNet) | Auteure de livres pour enfants. Avec cette invitation encore : passez-nous voir cette semaine (11 au 15 mars 2024) dès 17h00 au stand de RADAR devant les auditoires du CHUV. Emilie Pralong
Les réponses physiologiques au stress
par Carmen Sandi, Professeure ordinaire, Laboratoire de génétique comportementale, EPFL et co-fondatrice de Stressnetwork.ch, une association à but non lucratif
Je retiens que se battre, fuir et geler, ce sont les réactions au stress. Toutes les réponses physiologiques au stress nous donnent des possibilités adéquates d’adaptation. La scientifique explique que le stress produit des changements dans l’expression des gènes et que cela peut changer la personne qu’on va être demain ou dans le futur. Cela arrive lorsqu’on expérimente le stress dans le développement ou dans les étapes de la vie.
Elle mentionne que le stress devient toxique s’il est chronique et non contrôlé. Le manque de contrôle correspond à un facteur de vulnérabilité. Le stress peut être négatif ET positif. C’est un modulateur efficace. Les personnes ont besoin d’un peu de stress, mais s’il est trop intense, il les bloque. Le laboratoire de la Pre Carmen Sandi a beaucoup étudié le stress, défini comme un régulateur de nos réactions sociales.
Je retiens donc :
que le stress chronique peut développer une dépression ou une grande anxiété. Chez les adolescent·es, par exemple, les scientifiques observent beaucoup de problèmes de comportements antisociaux, y compris des agressions lorsqu’ils et elles ont été confronté·es au stress auparavant. La chercheuse a tenu à rappeler que la définition du stress correspond aussi au concept de combativité.
que si la personne vit beaucoup de stress pendant son développement et sa puberté, elle a plus de risque de développer des comportements agressifs. Ce stress chronique altère la structure et la fonction du cerveau induisant un remodelage neural et une connectivité altérée. Cela produit donc beaucoup de changements de connectivités cérébrales et des structures du cerveau. Et oui! N’oublions pas que le cerveau est complexe.
que le cerveau est un organe de premier plan qui perçoit et répond à ce qui est stressant pour un individu. La chercheuse pose la question : néanmoins, comment expliquer notre différence en matière de gestion du stress ? La faute aux gènes et aux combinaisons de stresseurs qui font que certain·e·s répondent plus au stress que d’autres, apprend-on.
La question de la cognition
Ce qu’on pense d’une situation peut influer sur le stress que l’on va vivre, ou pas. La chercheuse le rappelle, le stress est un problème de société. Nous sommes de plus en plus stressé·es et nous n’avons pas tou·te·s la même résilience.
Il existe énormément de combinaisons de gènes et de possibilités faisant que les individus qui ont des tempéraments plus anxieux sont plus vulnérables au stress. Les scientifiques observent les personnes plus anxieuses en se demandant en quoi elles sont différentes. La réponse est a trouver dans les circuits cérébraux, puisqu’il y a différentes réponses et différentes connexions. Les scientifiques ont découvert qu’il existe des différences dans les mitochondries – les organites présentes dans toutes les cellules et les neurones. Ces derniers répondent beaucoup à notre mode de vie ou, encore, à la manière dont on se nourrit.
Les types de stress mentionnés :
Positif
- Bonne estime de soi
- Excitation face à un défi ayant un résultat satisfaisant
- Sentiment de maîtrise et de contrôle
Tolérable
- Événements de vie adverses mais bon soutien social et émotionnel
- Sentiment de maîtrise et de contrôle
- Bonne estime de soi
Toxique
- Soutien social et émotionnel faible
- Architecture et fonction cérébrales compromises en raison de l’adversité chronique et/ou du début de la vie
- Un génotype sensible au contexte aggrave la situation.
Les comportements nuisibles à la santé dus au fait d’être stressé·e :
- Alimentation, qualité et quantité de nourriture
- Manque d’activité physique
- Alcool
- Perturbation circadienne : décalage horaire, travail en continu ou discontinu, privation de sommeil, vivre dans un quartier bruyant, pollué, avec un manque d’espaces verts
Je retiens également que le stress a un impact sur le développement de l’enfant. Et en outre, que le stress grave, telles que des conditions accablantes et des réponses inadaptées de l’environnement aux besoins de l’enfant, peut provoquer des problèmes psychiques chez l’enfant. Le stress modéré et léger, quant à lui, peut aider l’enfant à apprendre à gérer le stress et à développer sa résilience.
Comment faire face au stress?
La Pre Carmen Sandi mentionne :
- Essayer d’éliminer les facteurs de stress : quelle est la situation et ce qu’on en perçoit?
- Cultiver le soutien social : recevoir, donner, chercher une bonne nutrition
- Détendre ses muscles : étirements, massages, bains chauds, relaxation progressive
- Méditer, pratiquer la méditation pleine conscience
- Protéger son sommeil : routine de sommeil constante, détente avant d’éteindre les lumières
- Bouger, faire des mouvements énergiques (marches, danse)
- Prendre un moment dans la nature
- Maintenir des activités plaisantes
- Reformuler sa pensée, car les pensées affectent les émotions. Avoir des attentes réalistes ?
- Chercher de l’aide
L’influence du stress sur le développement de l’enfant
Par Nadine Messerli-Bürgy, Professeure associée de psychologie clinique de l’enfant et de l’adolescent, UNIL
La chercheuse mentionne que lorsqu’on parle de stress chez l’adulte, on pense à des situations de stress au travail, des conflits de voisinage ou de famille, des soucis de maladie, etc.
Alors, elle pose la question : est-ce que le stress existe pour les enfants et comment cela peut-il influencer son développement ?
La chercheuse évoque qu’il y a des situations de stress, appelés des stresseurs. Ces situations vont de stress graves à modérés ou mineurs. Ces stresseurs exercent une influence sur le développement de l’enfant. Ils constituent un facteur de risque pour le développement des troubles psychiques.
Je note que les stresseurs graves vécus par un enfant à un stade précoce peuvent influencer son développement. Cela augmente le risque de développer différents problèmes. C’est comme une vulnérabilité, quelque chose qui est ajouté au tempérament de l’enfant et qui augmente la difficulté à gérer le stress. Les traumatismes et les maltraitances sont des stresseurs graves et ont des conséquences sur le développement de l’enfant.
L’OMS a présenté des résultats sur des cohortes de patients dans le monde confrontés à la maltraitance et aux traumatismes, de guerre par exemple.
Comment ces stresseurs influencent la santé de l’enfant ?
La Pre Messerli-Bürgy indique qu’au moment où on nait, on est pas prêt à gérer le stress. On doit apprendre à le gérer. Apprendre à réagir d’une certaine manière pour que le stress ne soit pas épuisant à l’usure.
Elle explique que le stress chronique peut nous influencer. S’il est épuisant, cela diminue notre capacité de réagir à un autre stresseur. Avec le temps, on développe une capacité à gérer le stress. Avec un bon développement, on peut avoir une adaptation flexible au stress, qui fait partie de la vie. Si on est exposé à une maltraitance, on n’arrive pas à améliorer cette capacité à réguler le stress. On a une adaptation limitée au stress et donc plus de risque de développer des problèmes psychiques.
Sa présentation indique que différentes situations de vie peuvent amener du stress, comme une situation familiale difficile, la maladie ou la perte d’une personne, la perte d’un animal de compagnie, le changement de domicile d’un ami (la perte d’un ami), la maladie personnelle, les ruptures amoureuses, la naissance d’un frère ou d’une sœur, l’entrée à l’école, etc.
Est-ce qu’une de ces situations suffit à augmenter le risque pour la santé psychique?, demande-t-elle.
La chercheuse explique que la combinaison de plusieurs événements de vie, l’accumulation, augmente les problèmes psychiques chez les enfants. Surtout s’il existait déjà des stresseurs chroniques, comme des problèmes financiers ou plusieurs événements de vie difficiles, par exemple.
Un soucis à l’école, un temps libre réduit, une mauvaise gestion des médias sociaux ou les conflits peuvent être des problèmes du quotidien des enfants. Ces problèmes quotidiens, s’ils sont plutôt chroniques, restent et influencent la santé psychique de l’enfant, ajoute-t-elle.
Comment ces différents stresseurs peuvent influencer le développement du stress ?
Je note que pour développer une résilience, des petits stresseurs adaptés à l’âge, comme celle d’une entrée à l’école participe au bon développement de l’enfant. Aussi, même si on fait face à plusieurs stresseurs, si on a des parents qui sont là, on peut développer une meilleure adaptation au stress, car ces derniers peuvent apprendre à leur enfant à réguler le stress.
Des neurosciences à l’application clinique, comment promouvoir la résilience au stress des jeunes ?
Par Camille Piguet, Médecin adjointe agrégée au département de psychiatrie de l’université de Genève
La clinicienne-chercheuse nous explique qu’on fait la différence entre le stress aigu et le stress chronique, tout comme, entre un stress aigu qui peut être positif ou un trauma, négatif. Cela permet de dire qu’on a des capacités de réponse au stress qui sont différentes, puisqu’au niveau des gènes, on n’est pas tou·te·s égaux.
La répétition des stresseurs peut avoir des répercussions, chez les adolescent·es en particulier. De plus, on sait, grâce aux études épidémiologiques, que la plupart des maladies psychiques démarrent avant 25 ans.
Elle questionne : Pourquoi cette vulnérabilité à cette tranche d’âge-là ?
La Dre Piguet nous apprend que le cerveau des adolescent·e·s et encore plastique jusqu’à environ 20-25 ans. Il y a une dynamique de maturation dans le cerveau, qui commence par les régions postérieures du cerveau et se terminent dans les régions préfrontales. Les scientifiques observent un décalage entre la maturation des régions de contrôle et la réactivité émotionnelle. La mise en place de ces circuits est influencée par des aspects hormonaux et sociaux. Le cortex préfrontal n’est pas encore capable de réguler le stress.
Le stress est aussi utile. Il est bon de se rappeler que ce processus permet d’avoir un certain nombre d’apprentissages importants durant cette période nous dit-elle. Il dirige notre comportement vers de nouvelles expériences. Pendant l’adolescence, les jeunes ont une vulnérabilité plus importante aux stresseurs. Intervenir dès que possible durant cette période est essentiel. Les facteurs de stress dans la société sont importants et on reconnait l’importance des déterminants sociaux pour la santé mentale.
Comment identifier les jeunes plus à risque que les autres ?
Je retiens que le but n’est pas d’avoir une vie sans stress. C’est un chemin. Il faut développer sa propre gestion du stress. Le stress c’est une réaction physiologique et on peut retrouver un contrôle sur ces situations liées au stress avec par exemple le sport ou, la musique. La régulation des émotions ou la méditation en pleine conscience sont aussi des outils de la régulation du stress. Des groupes comme celui que constitue le programme Mindfulteen sont mentionnés.
Quelques facteurs de stress sociétaux actuels mentionnés :
- La pandémie de covid-19, une période anxiogène et déjà des signes avant la pandémie que la santé mentale des jeunes allait moins bien
- Les médias sociaux et les écrans
- L’éco-anxiété
- Les inégalités
Elle conclut avec ceci : les émotions ont une fonction, celle d’orienter notre comportement et d’apprendre. L’impulsivité, la recherche des sensations et de récompense nous amène à chercher de nouvelles expériences et interactions sociales. La sensibilité au stress et aux émotions nous permet aussi de construire notre identité, de nourrir notre cerveau. L’adolescence est une période de vulnérabilité et d’opportunités !
Liens utiles
Des podcasts sur la santé mentale :
- Dingue, un podcast de la RTS, produit par Adrien Zerbini
- Minds Talks, la santé mentale pour tout le monde
- Toi Aussi ?, un podcast sur la santé mentale des jeunes produit par Maé Biedermann
D’autres ressources d’information et d’aide :
- stressnetwork.ch
- Mindfulteen, méditation pleine conscience
- 147 Pro Juventute – Écoute et conseils pour les jeunes
- MALATAVIE – La ligne d’écoute pour ados et jeunes adultes
- Ontecoute.ch – Plateformes d’échanges en ligne pour les 18-25 ans, avec forums et questions-réponses.
- Ciao.ch – Plateforme pour les 11-20 ans. Pose tes questions en ligne, un∙e spécialiste y répondra.
- Santépsy.ch – Promotion, informations et ressources sur la santé psychique.
- STOP SUICIDE – Prévenir le suicide chez les jeunes en Suisse romande
- MINDS – Promotion de la santé mentale à Genève. Informations, podcast et dossiers.
- As’trame – Soutien psychologique et accompagnement lors de deuil, divorce ou maladie.
- Pro Mente Sana – Pour s’informer sur les troubles psychiques et ligne téléphonique de conseil psychosocial.
- GRAAP – Groupe romand d’accueil et d’action psychiatrique. Entraide, écoute et discussions.
- Association Boulimie Anorexie – Pour s’informer sur les troubles du comportement alimentaire (TCA) et trouver de l’aide.