Rédigé à quatre mains par Anne May et Emilie Pralong
Elles représentent trois générations, et s’accordent toutes sur une conviction : c’est la passion qui les a amenées là où elles sont. Chacune peut retracer l’origine de sa passion dans l’enfance – l’une observait la lune par la fenêtre, l’autre a découvert l’enfance de Marie Curie dans un livre que lui lisait sa mère. Elles ont visé la lune, et n’ont jamais cessé de le faire depuis.
Ces scientifiques concordent aussi sur l’importance décisive des role models. Davantage que des héroïnes ou des figures emblématiques, la role model est la personne que nous côtoyons tous les jours. Dans certaines facultés de l’EPFL, le corps professoral est encore entièrement masculin. Difficile de s’identifier et de garder son cap dans cet environnement…
Mais l’EPFL prend des mesures, et ces mesures donnent des résultats. Programmes de mentorat, bourses, workshops – l’institution met en œuvres des actions diversifiées. Résultat : la proportion de femmes est en constante augmentation, à tous les niveaux de la trajectoire académique. Néanmoins, avec 35% d’étudiantes, nous sommes encore loin de la parité. Une nouvelle étape est attendue dès avril 2020 : suite à un sondage réalisé en 2019 le forum des femmes professeures des EPF va formuler 25 recommandations visant à rendre l’école davantage inclusive.
L’énergie de changement vient aussi des étudiantes et les initiatives communautaires fleurissent, comme celles organisées par Polyquity ou EPFelles. Et nous découvrons à quel point les sources d’inégalité sont ramifiées. Polyquity met à disposition gratuitement des protections hygiéniques – frappées jusqu’à présent du même taux de TVA que les produits de luxe plutôt que comme des produits de première nécessité ! (cela devrait bientôt changer) En Suisse, aujourd’hui, des étudiantes doivent donc choisir entre les dépenses de première nécessité (nourriture, santé) et les protections hygiéniques. La précarité comme barrière à l’égalité hommes – femmes – il faut y porter attention !
Pour la senior des participantes, le changement est en marche et les anciens schémas sont en train de se faire remplacer par de nouveaux. Des obstacles ? Bien sûr. Mais chacune, à un moment ou un autre, a exprimé le fait que les barrières, ce sont souvent elles qui se les sont posées.
Des points de vues résolument positifs et des messages de responsabilisation et d’autonomisation (« empowerment »). Des mesures doivent bien sûr se prendre au niveau politique, telle l’introduction d’un congé paternité, mais il y a avant tout le rôle décisif que chacun.e d’entre nous doit jouer, chacun.e à sa manière, pour se soutenir les un.e.s les autres et transformer la société en une société égalitaire. Gardons cette vision positive et… visons la lune !
Des femmes talentueuses, passionnées et inspirantes font bouger les codes dans le domaine du spatial – parlons-en et finissons-en avec les stéréotypes de genre. Toutes ces femmes en sont convaincues, la prochaine personne à poser le pied sur la lune sera une femme. Un petit pas pour la femme, un grand pas pour l’égalité !
Beaucoup n’ont pu assister aux conférences de ces talents, nous vous offrons ainsi notre compte-rendu :
Plongez dans cette soirée, trouvez l’inspiration, notez les références
Elles brillent chacune à leur échelle, ces stars du spatial. Loin de se considérer héroïques, ni même particulières, elles racontent humblement leur parcours, leur passion avec une vivacité et un enthousiasme palpable et… contagieux. Au sortir des exposés et discussions, le public a les yeux remplis d’étoiles.
En cheffe d’orchestre de la soirée, Leïla Ojjeh, responsable du Service EPFL-Alumni donne l’impulsion : Osez viser la lune, osez rêver sans limite !
Ce que cela veut dire ? À vous de choisir, mais pour l’exemple, apprenez donc à connaître Galactic Chloé, elle représente un peu – beaucoup – l’incarnation du verbe « oser ». Elle met tout simplement l’espace à votre service grâce à d’excellentes idées, notamment :
- rencontrez Chloé Carrière, ses coéquipières et coéquipiers, dans divers bars lausannois. Voyager dans l’espace verre à la main, apprendre à mieux connaître l’astronomie en toute convivialité, c’est à la portée de chacune et chacun grâce à Astronomy on Tap ;
- suivez la Mission Asclepios, laquelle réunit 80 étudiants passionnés à travers le monde pour une mission analogue de séjour spatial sur un autre astre céleste.
Chloé nous donne furieusement envie d’aller sur la lune. Elle en connaît un rayon – cosmique – et replace avec humour l’origine du premier drapeau planté sur la lune – nous laisserons le mystère pour la prochaine fois qu’elle brisera la glace mais… la connaissez-vous (oui ? commentez donc cet article) ?
Chloé ose. Elle a décidé à 18 ans « d’être la première femme à poser le pied sur la lune ». Elle pose déjà sur papier tous les petits pas qui l’aide à réaliser son rêve. Elle ouvre les portes :
- du club d’astronomie de l’EPFL – Callista;
- du Satellite ( !) le bar de l’EPFL pour ces premières conférences d’Astronomy on Tap ;
- de Swissnex San Franscisco ou encore des écoles, avec l’astronaute Claude Nicollier ;
- et d’autres encore et à venir.
« Les barrières, on se les met nous-même. Je peux faire une petite différence et partager quelque chose, travailler avec les médias. » Chloé Carrière
Elle cite :
« L’important n’est pas la destination mais le voyage en lui-même » Philippe Pollet-Villard
Elle conclut :
« Shoot for the moon, you will land on the moon* » Galactic Chloé
*« Visez la lune, vous atterrirez sur la lune »
Doyenne de la faculté de l’Environnement naturel, architectural et construit ENAC, Claudia Binder a déjà atterri sur la lune. La sienne, c’est l’EPFL. L’origine de sa passion ? Lorsqu’elle était enfant, elle aimait être malade. Elle aimait être malade parce qu’elle restait alors à la maison et sa maman lui lisait un livre – un livre qui raconte l’enfance des femmes célèbres. Et c’est ainsi qu’elle a entendu et réentendu l’histoire de Marie Curie. Une enfance difficile, avec une maman très malade. Lorsque que sa maman est décédée, la jeune Marie a dû gagner de l’argent, réaliser une foule de choses différentes avant de débuter sa carrière.
« Nous avons besoin de nous inspirer de role models » Claudia Binder
Claudia Binder soulève en outre l’importance d’être confrontée à une critique objective et à recevoir du soutien, à pouvoir compter sur des personnes qui vous ouvrent les bonnes portes. Hommes et femmes doivent penser à leur rôle dans la recherche de l’équité, montrer aux gens que la porte est ouverte, « faire quelques pas sur la lune ».
Muriel Richard, elle, a évolué en fonction des opportunités qui se sont présentées, des chocs aussi. Parfois elle a emprunté les portes ouvertes, parfois pas. Elle fonctionne à l’intuition.
La première porte fut une première page, puis une seconde, d’un fascicule d’astronomie. Les photos des galaxies, des nébuleuses, des planètes, c’est son premier choc. À ce moment-là, une (re)connexion s’établit, dans son corps, dans ses cellules, une prise de conscience de qui nous sommes sur terre, de ce que nous sommes en nous. Elle vit « quelque chose d’immense ».
À partir de cet instant, sa vie est simple. Dans son cœur, elle connait sa voie. Envolée pour Caltech (une prestigieuse université en Californie), elle découvre que la NASA possède un centre à trois kilomètres de là. Le seul endroit au monde à ce moment-là qui réalise des missions spatiales pour Jupiter, Neptune : une opportunité incroyable. Elle passe douze ans aux États-Unis et participe à plusieurs missions – dont vers Mars ou les lunes de Jupiter.
« Bon, voilà. », comme elle dit modestement.
Elle monte ensuite un projet éducatif avec Swisscube, un petit satellite, une autre partie de sa vie.
Et puis, elle vit un deuxième choc, plus précisément une collision. Entre Irridium, un satellite américain et Cosmos, un ancien satellite russe. Cette collision a généré 2’000 débris dans l’espace. Et bien, lorsque Swisscube est parti dans l’espace, ce fut dans ce champ de débris, avec tous les messages d’alerte « collision » qui sont allés avec.
Et pour Muriel, ce sont les prémisses de la création de la startup dont elle est co-fondatrice : Clearspace (« nettoie l’espace ou espace dégagé »). À l’heure actuelle, il existe plus de 30’000 débris de plus de 10 cm dans l’espace. Clearspace, c’est « un service de dépannage pour les débris spatiaux. »
Troisième choc ?
« J’étais ingénieure. C’est simple. Il y a un problème, il faut le résoudre. J’ai appris à le faire. Cela marche bien. Aujourd’hui, je suis entrepreneure. J’apprends de nouvelles compétences pour construire une entreprise. » Muriel Richard.
La société Clearspace a remporté l’appel d’offres de l’Agence spatiale européenne ESA. Elle va donc conduire une mission pour nettoyer l’espace !
« Bon. Voilà. »
Plein succès dans cette nouvelle aventure !
Tatiana Benavides nous raconte quant à elle la mission lunaire conduite par le Swiss Space Center de l’EPFL et sise dans la glace à… Zermatt. Plus de 150 étudiantes et étudiants planchent sur un habitat dans la glace – qui pourrait potentiellement permettre la vie sur la Lune. Passionnant ! Le projet réunit 20 équipes d’étudiants, 13 universités, 9 pays européens ainsi que le CERN et le MIT.
Tatiana Benavides presents #IGLUNA2020 at « Visons la lune »#InternationalWomensDay2020
More info : https://t.co/X3MWM3nOlV
— Emilie Pralong – RADAR RP (@emipralong) March 5, 2020
Table ronde
Aurore Amaudruz, ingénieure EPFL en systèmes de communication, a animé la table ronde en clôture des conférences. Nous vous livrons quelques bribes qui nous ont marquées durant la discussion :
Muriel Richard vise une autre lune que l’astre qui nous est bien connu. Elle choisit l’une des multiples lunes de Jupiter : Europa. Il y a en effet de grandes chances qu’elle contienne des océans d’eau et donc de grandes chances d’y trouver la vie. Peu de chances d’y vivre un jour – il nous faudrait « changer notre ADN pour devenir résistants (aux radiations) ». L’humain y serait en effet beaucoup trop soumis aux radiations. Sur terre, le champ magnétique défléchit toutes les particules envoyées par le soleil, soit : elles passent autour de la Terre. Ainsi nous ne sommes pas soumis au taux de radiation. Sur Europa, il en serait bien autrement.
Son message aux femmes, aux filles :
« rester dans sa passion, dans ce que le cœur dit de faire, rester loin des anciens schémas, faire remarquer les paroles blessantes mais ne pas se laisser envahir, les regarder comme quelque chose qui passe. »
Enfant Tatiana Benavidesa beaucoup regardé la lune. Elle se demandait l’effet que cela ferait d’être sur la lune et de regarder la Terre. C’est son inspiration – le début de sa passion.
Tatiana a passé du temps à la maison avec chacune de ses deux filles, puis ce fut le tour de son partenaire. Parmi les nouveaux couples qui montrent l’exemple, elle prône un juste équilibre à trouver avec son partenaire.
Christelle Iliopoulos soulève le cliché des quotas et rappelle l’importance d’avoir à l’esprit qu’une femme est et doit être engagée pour ses compétences – à compétence égale – et non pour remplir des quotas. Le danger est de perdre confiance en ses compétences. Elle rappelle que l’éducation reste à changer en premier lieu : arrêter d’inculquer des stéréotypes de genre aux enfants, d’attribuer des traits de personnalités à un genre ou un autre, de mettre en place un congé paternité aussi long que le congé maternité.
Galactic Chloé souligne que – souvent – elle a été choisie pour telle ou telle intervention car elle est une femme justement. Parce qu’elle montre une autre facette de la science. Elle invite à faire attention à soi, prendre confiance et surpasser ses propres barrières.
Un immense merci à ces talents pour leur partage authentique et oh combien inspirant ! Suivez la suite de leur parcours sur les réseaux sociaux et à travers les liens précités.
À vos candidatures
À noter encore, la WISH Foundation basée à l’EPFL encourage la recherche et la promotion des femmes en les soutenant à des moments clés de leur carrière. L’appel à candidatures pour les masters à l’étranger court du 25 au 31 mars 2020. Soyez prêtes !