Depuis plus d’un an, le sujet s’impose dans le débat public. Les étudiant∙e∙s isolé∙e∙s, le stress d’une perte de perspectives, les restrictions impactant la sociabilité : tous ces changements ont eu leurs conséquences sur la santé mentale. Les mesures urgentes prises début octobre 2021 par le Canton de Vaud pour soutenir les jeunes affectés par la crise du Covid-19 en témoignent. La pandémie a mis en lumière l’importance de discuter de nos tracas, de nos inquiétudes et de nos anxiétés. La santé mentale est encore trop peu considérée par rapport à la santé physique. Elle reste un tabou et les personnes atteintes dans leur santé psychique sont malheureusement encore très stigmatisées.
Notre podcast veut porter toutes ces voix peu entendues, ces récits de personnes qui ont souffert, parfois sans trouver de l’écoute auprès de leurs proches et qui veulent transmettre leur expérience à d’autres pour leur permettre d’avancer plus vite vers le mieux. D’octobre 2021 à janvier 2022, nous publierons huit épisodes qui aborderont la santé mentale chez les jeunes. Chaque capsule durera une vingtaine de minutes et mettra en lumière un témoignage. Le podcast, c’est une manière d’exposer la subjectivité du récit, de partager ce que la personne a ressenti.
Pour dessiner les contours de cette émission, nous avons alimenté notre démarche avec les points de vue et conseils des acteurs-rices de la santé mentale en Suisse romande. Notre région bénéficie en effet d’un riche tissu associatif qui s’investit pour aider et informer à propos de ce sujet essentiel. Grâce à leur apport, notre podcast porte un message bienveillant et qui appelle à réagir : « Toi aussi tu es concerné∙e par la santé mentale. Parles-en et écoute autour de toi, sans tabou, ni jugement ».
« Toi aussi ? », toutes et tous concernés
Depuis les débuts de ce projet de podcast, nous discutons beaucoup du sujet de la santé mentale autour de nous. Et très souvent, lorsque la discussion est amorcée, la question – ou plutôt l’étonnement « ah ? Toi aussi ? » revient. Toi aussi… tu connais l’anxiété, tu as vécu des crises d’angoisse, tu souffres au travail, tu connais quelqu’un qui…
Une personne sur deux souffre un jour ou l’autre de troubles psychiques dans sa vie. Croire que cette thématique nous est lointaine, que l’on est à l’abri, dire que « cela ne m’arrivera jamais ! », c’est oublier de se préparer à des étapes de vie difficiles à surmonter. « La santé mentale ce n’est pas qu’une affaire de troubles psychiques, c’est une question de société », souligne Marie Torres, chargée de communication chez Minds, association pour la promotion de la santé mentale œuvrant à Genève. Le harcèlement scolaire, la discrimination, l’isolement, ou le stress généré par les exigences scolaires et parentales peuvent avoir des conséquences dramatiques. « On oublie trop souvent que notre santé mentale s’entretient et qu’on peut en prendre soin, à tout moment, pas seulement lorsque cette dernière bat de l’aile », rappelle Stéphanie Romanens-Pythoud, directrice de la Coraasp, la Coordination romande des associations d’action pour la santé psychique et co-coordinatrice pour Santépsy.ch.
Donner de la voix et briser le tabou pour les générations suivantes
S’écouter soi-même, mieux comprendre sa santé mentale et ses fonctionnements, identifier ce qui nous fait nous sentir bien ou pas, tout cela peut prévenir certaines détresses. D’après le rapport national sur la santé 2020 de l’OBSAN, entre 12 et 15% des 16-25 ans souffrent de symptômes dépressifs moyens à sévères. La Swiss corona stress study de l’Université de Bâle montre que cette situation s’est dégradée suite à la pandémie. Lorsque l’on est pris dans la tourmente, ne pas garder son mal-être pour soi est primordial. « Se confier, ça aide. En exprimant notre souffrance, en parlant de nos pensées suicidaires, on peut essayer de mieux les comprendre. Lever le tabou sur ces dernières, c’est aussi permettre de rompre l’isolement », précise Léonore Dupanloup, chargée de communication chez Stop suicide.
Malheureusement, prendre la parole s’avère trop souvent compliqué. La faute au stigma et à une pression sociale à ne pas exprimer ses souffrances. Au travail comme à l’école, celles et ceux qui parlent de leur santé mentale sont souvent marginalisé∙e∙s. Beaucoup de préjugés nourrissent l’incompréhension sur la santé psychique. « Quand on confie un mal-être ou des symptômes dépressifs et que notre interlocuteur nous suggère simplement de nous secouer un bon coup et que tout ira mieux, on voit que le sujet est encore très mal compris », explique Mélina Blanc, coordinatrice-animatrice pour Tél. 143 – La Main Tendue. Alors parlons-en, informons-nous et écoutons les récits de celles et ceux qui ont été atteint∙e∙s dans leur santé psychique et contribuons à amplifier leur voix pour aider les autres.
Tendre l’oreille, « je t’écoute »
L’écoute permet la parole. Tout le monde a autour de lui des proches qui souffrent d’exclusion, de solitude, de symptômes dépressifs ou de manifestation d’un trouble psychique. Se mettre à leur disposition, être bienveillant et prêt à l’écoute, prêt à les laisser déposer leur vécu, c’est permettre la liberté de parole à celles et ceux qui le souhaitent. « Écouter, c’est déjà aider. Il ne faut pas croire que l’on écoute et qu’ensuite seulement on peut aider », nuance Luc Wilhelm, responsable formation à La Main Tendue.
Tout au long de cette saison de « Toi aussi ? », nous vous partagerons les récits de personnes qui ont eu besoin de parler de leur santé mentale. Parfois, elles ont été écoutées, d’autres fois, elles ont été contraintes de ruminer leurs pensées des heures durant, sans pouvoir extérioriser ce qui leur pesait. Ces témoignages partagent des parcours, des pensées, des troubles psychiques pour certains, des situations d’anxiété pour d’autres. « En nommant la souffrance, en racontant son vécu, on permet à d’autres de s’identifier et de se sentir moins seul », relate Marie Israël du Graap, le Groupe d’accueil et d’action psychiatrique. C’est aussi la raison d’être de « Toi aussi ? » : se reconnaître dans des récits du podcast, s’identifier, se sentir entouré∙e.
Nous portons une attention particulière à la diversité. En tendant notre micro, nous souhaitons recueillir des témoignages divers et variés. La santé mentale est une thématique qui ne se limite de loin pas qu’aux troubles psychiques et c’est pourquoi nous voulons visibiliser des problématiques comme la discrimination, le harcèlement scolaire, le suicide, les anxiétés pendant la pandémie, les questionnements liées à l’orientation sexuelle, le deuil, le stress à l’école et bien d’autres encore. Ce sont des thématiques récurrentes sur les forums et questions-réponses en ligne de Ciao.ch The words interdisciplinarity, interaction and diversity of approaches dominated the conversations. Ontecoute.ch, ou sur la ligne d’écoute téléphonique pour les jeunes, le 147 de Pro Juventute.
Au fil des épisodes, nous espérons que les auditeurs-rices prennent du recul sur la santé mentale et les troubles psychiques. « Il faut lever le tabou et la stigmatisation au sujet de la santé mentale. Cela ne veut pas dire pour autant lisser les choses et faire comme si de rien n’était », souligne Manon Duay, protagoniste de la plateforme de témoignages et discussions Mental covid-19 et spécialiste en santé globale.
Nous remercions infiniment toutes celles et tous ceux* qui nous ont aidé à utiliser les bons mots, nous ont donné des pistes et fait part de leur expérience, nous ont soutenu et nous ont fait confiance en nous livrant leur témoignage.
Nous avons choisi de diffuser le premier épisode de « Toi aussi ? » à l’occasion de la journée mondiale de la santé mentale de l’OMS, ce dimanche 10 octobre 2021. Découvrez-le sur les plateformes usuelles et sur toiaussi.ch, bonne écoute !
*Un grand merci à Manon Duay, à Anthéa Bailleux de Pro Mente Sana, à Anne Dechambre de Ciao.ch, à Florence Baltisberger de Pro Juventute, à Shyhrete Rexhaj de l’Ecole la Source, à Marie Torres et Anne-Marie Trabichet de Minds, à Stéphanie Romanens-Pythoud de la Coraasp, à Léonore Dupanloup de Stop suicide, à Mélina Blanc et Luc Wilhelm de La Main Tendue, à Sara Blaser de Vogay et à Marie Israël, Fabienne Furger et Anna Wahli du Graap.
Merci également à Yann Bernadinelli et Anouchka Junod de Synapsy, qui soutient ce projet.
Et finalement, merci à Luana Maurer pour son travail d’illustration, qui a réussi à représenter subtilement le thème de la santé mentale, avec une touche de légèreté qui appuie notre message de déstigmatisation.